Tuesday, November 24, 2009

Au pays du Franc congolais, le dollar est roi

A l’arrivée à Kinshasa, la capitale de la RD Congo, le ton est donné : les prix sont élevés et annoncés en dollar américain. Depuis quelques années, l’économie congolaise carbure au dollar. Dans les hypermarchés modernes comme dans les petites boutiques des quartiers périphériques de la ville, on peut tout payer en "billet vert".

Kinshasa. Correspondance particulière.

Apparu à la fin du régime du président Mobutu, dans les années 90, le dollar aurait dû disparaître lors de l’instauration du franc congolais, en juin 1998. Mais la guerre qui a embrasé le pays entre 1998 et 2001 et surtout la mauvaise gestion du Franc par la Banque centrale du Congo (BCC) lui ont donné droit de cité. L’adoption d’un taux de change flottant, en 2001, et le recours continue à la planche à billet pour financer le deficit budgétaire ont aggravé la situation. Depuis, le franc congolais est en baisse constante par rapport au dollar.

Ainsi, en 1998, le dollar valait 1,32 franc congolais. Aujourd’hui, il en vaut 950 ! «La coupure la plus élevée étant de 500 francs congolais ne vaut que cinquante cents americains, il vaut mieux, à partir d’un certain montant, régler ses achats en dollars, à moins de se déplacer avec une valise de billets», déclare un diplomate européen en poste à Kinshasa. Autre élément qui handicape le franc congolais : plus de la moitié du budget du pays est financée via des prêts en dollars.

Dans ces conditions, même si leurs salaires sont toujours versés dans la monnaie nationale, les Congolais ne peuvent ne pas préférer la devise américaine, sachant que l’inflation a atteint 47 % en novembre 2009. Résultat : dollarisée à 50 % en 2002, l’économie du pays l’était à 95 % en 2009. «Les gens ne s’en plaignent pas, confie une salariée d’une banque de Kinshasa. Sauf, évidemment, quand le dollar prend l’ascenseur et que les prix augmentent, et qu’ensuite il baisse sans que les prix ne changent.»

Des cambistes au coin de la rue

Chacun a pris l’habitude de jongler avec les deux monnaies selon ce qu’il a en poche. Au restaurant, le service est facturé en dollar. La petite monnaie, elle, est rendue en francs congolais. Dans le centre-ville, un vendeur ambulant de journaux européens se moque qu’on les lui achète en dollars ou en francs congolais, car, un peu plus loin, des cambistes de rue échangent les monnaies en un tour de main.

Le Congo-Kinshasa est le seul pays au monde ou les billets de banque fraîchement sortis de l’hotel de monnaie se retrouvent aussitôt chez les cambistes de rue sans transiter par les banques commerciales. C’est le cas de la coupure de 500 Fc. Inutiule de dire que ces cambistes sont approvisionnés directement par des complices hauts placés à la BCC. Selon des sources bien informées, la "livraison" a lieu la nuit. D’aucuns assurent que le gouverneur Jean-Claude Masangu entretiendrait des "relations d’affaires personnelles" avec une des cambistes privilegiées répondant au doux sobriquet de "mère double". Cette dame a toujours en sa possession de nouveaux billets de 500 francs. Elle pratique de "meilleurs taux" à l’achat du dollar.

Sans vergogne, la BCC, sous le gouverneur Masangu, a tenté de mettre en circulation les billets de 1 000 francs congolais après le second tour de l’élection présidentielle, en octobre 2006 avec l’espoir d’inverser la tendance. Mais si le franc regagnait la confiance des Congolais, les restaurants et hôtels de la capitale congolaise devraient réimprimer leurs cartes, où les tarifs s’affichent en dollars. Il faut craindre que la monnaie nationale ne regagne pas la confiance des consommateurs congolais aussi longtemps que la haute direction de la BCC resterait la meme.

"Masangu va accompli bientôt 13 annnées à la tête de la Banque centrale. Il est temps qu’il parte savourer les richesses qu’il a accumulées, dit un fonctionnaire avec une pointe d’amertume. La Constitution prévoit deux mandats pour le gouverneur. Etrangement, Masangu en est à son troisième mandat. Mais aujourd’hui, tout le monde semble convenir que le temps du changement de la haute direction à la banque centrale a sonné."

Issa Djema
© Congoindépendant 2003-2009

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