Friday, February 26, 2010

Au cœur de l’entretien de l’honorable kamhere avec la Communauté congolaise de Montréal

De: Hinterland Redaction
Objet: [Hinterland] ERRATA : Face à face Kamhere-Montréal : que se sont-ils dits?
À: "Hinterland"
Date: Dimanche 14 février 2010, 23h06


Au cœur de l’entretien de l’honorable kamhere avec la Communauté congolaise de Montréal

L’honorable Vital Kamhere s’est adressé, ce samedi 12 février 2010, à la Communauté congolaise de Montréal. L’annonce de la rencontre a été tardive, juste trois heures avant l'événement. Néanmoins, l’hôte du jour a déjà un nom et la portée de d’atteinte d’Hinterland était au rendez-vous. La salle de conférence de l’hôtel Days Inn était remplie à sa pleine capacité par un public hétérogène : responsables et membres de structures associatives, de formations politiques congolaises ainsi que des professionnels. Une bonne broche de l’intelligentsia congolaise était bien présente.

Retenu pour fin d’interview par les journalistes de la station de télévision de la Société Radio Canada, Vital Kamhere qui était attendu pour 15heures est entrée dans la salle à 16heures. Les organisateurs avaient misé sur une disposition protocolaire simplifiée :

· Mot de bienvenue par une journaliste d’Afrique Canada TV, organisatrice de l’événement,

· Courte mise en contexte par le Dr Kadari Mwene- Kabiana,

· Exposé de l’honorable Vital Kamhere suivi du jeu de questions avec les participants,

· Mot de clôture.

Kadari Mwene-Kabiana, en fin intellectuel qui connait bien la communauté congolaise de Montréal, a invité celle-ci à privilégier le dialogue comme moyen de recherche de solutions aux problèmes multiples et multiformes de la RDC. Vous êtes au courant du petit incident qui s’est produit à Ottawa, dira-t-il, mais, l’honorable Vital pouvait-il retourner au Congo sans s’adresser à nous à cause de cela ? Voilà pourquoi nous l’avons encouragé dans sa volonté de vous rencontrer à tout prix.

Prenant la parole à son tour, l’honorable Vital Kamhere a axé son propos sur les questions qui structurent la rupture actuellement notable entre la diaspora congolaise et le gouvernement de la mère-patrie :

· l’insécurité à l’Est du pays,

· la gouvernance économique,

· la dynamique à engager pour impulser le développement de la RDC,

· et l’interdiction de la double citoyenneté.

Vital Kamhere qui a rappelé sommairement la genèse de l’insécurité actuelle dans les provinces Orientale et du Kivu, a révélé qu’aussi tôt les refugiés Hutu venaient-ils d’être convoyés en RDC en 1994, que le gouvernement congolais de l’époque déposait, auprès des Nations-Unies, un mémo réclamant une aide internationale dans le but de regrouper, neutraliser et organiser leur retour au Rwanda dans un contexte de réconciliation. Les Nations-Unies avaient alors prétexté les problèmes de budget, laissant ainsi pourrir la situation. Par la suite, la même communauté internationale a soutenu systématiquement les arguments du Rwanda qui tentent de rejeter la responsabilité de la présence des FDRL sur notre pays et de la menace que cela représente pour son pays. Cette question qui avait déjà servi de prétexte au renversement du régime Mobutu, explique plusieurs autres épisodes douloureux intervenus en RDC. Elle a encore été au centre de la crise qui a provoqué son départ du perchoir de l’Assemblée nationale. L’orateur croit avoir soutenu une bonne cause et pense que son départ a été le résultat des luttes de factions qui caractérisent la compétition pour le pouvoir au sein de la classe politique congolaise.

Les opérations de brassage des guerriers dont les accords de paix recommandaient l'intégration au sein de l'armée congolaise nous donnent un autre motif d'inquiétude. Avant la décision d'intégration, il y avait 4 000 éléments Banyarwanda cantonnés dans le Nord-Kivu. À la fin de l'opération, on compte un total de plus de 9 000 soldats. Une enquête internationale vient de révéler que les éléments additionnels sont constitués de soldats de l'armée rwndaise. Ceci ne constitue certainement pas une situation isolée. On voit bien que la situation que nous nous crééons aujourd'hui est telle qu'il suffira à Paul Kagame de lancer un coup de sufflet à partir de Kigali et la scission du pays deviendra une réalité. Au Congo tout le monde est au courant de cela, que font les autorités pour l'endiguer?

L’orateur a jugé comme réellement préoccupant l’état de la gouvernance économique de notre pays. Se servant de l’exemple des contrats chinois, l’honorable Kamhere a indiqué que la partie congolaise s’était engagée à livrer près de 120 mille tonnes de cuivre et plus de 90 mille tonnes de cobalt, ce qui représente près de 90 milliards de dollars, en vue de l’obtention d’un crédit de 9 milliards de dollars, à verser à trois tranches étalées sur 9 ans. Même en défalquant les dépenses relatives aux coûts de production, un écart de 50 milliards de dollars apparaît au crédit de la Chine. La critique et les recommandations du parlement n’ont pas suffi à infléchir les acteurs gouvernementaux dans leur obstination à engager les transctions. Il a fallu que les missions du Fonds Monétaire international viennent faire le même constat pour qu’ils comprennent et reculent par la force des choses, alors qu’au regard de son grand potentiel, notre pays devrait assurer le leadership dans toutes les questions relatives à son développement, comme le font le Brésil et l’Inde actuellement. Ces deux pays ont pris leur option pour le développement et ont élaboré des stratégies auxquelles leurs partenaires sont contraints de se soumettre. L’exemple du Brésil qui exige le transfert de technologies sur son territoire aux compagnies soumissionnaires à ses contrats publics contraste énormément avec le comportement des décideurs congolais. Pendant ce temps, en RDC certains ministres lancent des ensembles immobiliers personnels dont la valeur atteint plus de 100 millions de dollars. À leurs côtés, les enseignants de l’école primaire touchent 20 dollars par mois. L’administration publique ne fonctionne plus et l’agriculture villageoise a quasiment périclité.



Kamhere a conclu à l’existence réelle d’un problème de gouvernance économique en RDC.

Économiste de formation, l’enfant venu du Territoire de Walungu a disséqué la structure actuelle du tissu économique du pays, avant d’épingler ses carences les plus criantes, nous avons retenu, entre autres :

· l’accent placé sur le développement de l’industrie extractive sans perspective de transfert de technologies pouvant conduire à la transformation de nos ressources sur place ;

· le peu d'intérêt pour la mise en oeuvre des mesures économiques et sociales nécessaires à la re-création et la consolidation du marché économique interne, avec notre population de 70 millions d’habitants, soit la moitié de celle du Brésil, avant d’accorder une priorité tout azimut au développement d’un marché de libre échange des Grands lacs ;

· l'absence d'une vision sur la valorisation priorisée des ressources stratégiques et plus particulièrement celles qui sont susceptibles d’une exploitation mitoyenne, notamment le gaz naturel et pétrole du lac Kivu, qui sont l’objet de projets de développement mis en œuvre par le Rwanda ;

· le manque d'intérêt pour la création des structures d’échanges devant faciliter la vente par de leurs produits par les creuseurs artisanaux de minerais, ce qui aurait pour effet d’assécher les circuits qui transitent par les pays voisins.



Abordant le thème le plus sensible pour la diaspora congolaise du Canada, à savoir la question de la double citoyenneté, l'orateur a dit comprendre les frustrations des Congolais de l’ensemble de la diaspora. Il a d’abord rappelé les conditions difficiles dans lesquelles beaucoup de compatriotes ont dû quitter un pays qu’ils aiment beaucoup et qu’ils gardent fermement dans leurs cœurs. Kamhere a reconnu que l’apport financier de la diaspora aux familles a contribué à épargner la RDC d’une explosion sociale qui aurait pu lui être fatale. Il a par ailleurs indiqué que la disposition constitutionnelle en la matière découle principalement de réflexes contradictoires relatifs à la rationalité humaine qui étaient en vogue au moment de la rédaction de l’actuelle constitution :

· Certains craignaient l’instauration d’un droit de vote en faveur d’une diaspora qui leur est souvent critique ;

· D’autres alléguaient les carences actuelles de l’administration et des chanceleris diplomatiques congolaises et par voie de conséquences la difficulté à corganiser les opérations de vote, manquant ainsi de poser des actes de refondation d’une véritable démocratie congolaise.

Le moment venu, l’État congolais devra se pencher sur cette question en vue de trouver une solution plus équitable et plus en harmonie avec les idées émergentes.



Au cours du jeu de question-réponse qui a suivi, la communauté s’est appesantie sur des questions comme :

· la dépendance notoire des décisions politiques, économiques et sécuritaires du pouvoir congolais aux désidératas du président rwandais Paul Kagame et des communautés banyarwanda, au détriment des aspirations du peuple congolais et de son parlement ;

· la tendance des gouvernants à se fier à des indicateurs technocratiques sans liens avec l’accès des populations congolaises aux besoins de première nécessité ;

· le projet d’avenir de la personne de Kamhere, en tant que politicien et l’état de sa relation présente et future avec l’AMP-PPRD, etc.



À Hinterland, nous étions déjà au courant de la candescence de Vital Kamhere sur le perchoir de l’Assemblé nationale à Kinshasa, mais, la rencontre Kamhere – Communauté congolaise de Montréal nous a permis de voir en lui un politicien avec une dose importante d’intelligence.

Cela dit, nous voici à poser des questions. Le député de Bukavu a-t-il tactiquement adopté un discours qui plairait à la diaspora dont il connaît bien les nœuds de rupture avec le régime politique du président Joseph Kabila ou a-t-il exprimé des convictions autrefois étouffées en échange à son ancien et prestigieux poste ?

Nous sommes sortis de la salle avec le sentiment que le pays peut encore compter sur cet enfant que le Territoire de Walungu a donné à la Ville de Bukavu et au Congo institutionnel. Pour tout un chacun, un paramètre reste à surveiller pour former son opinion : assistons-nous à la naissance d’une nouvelle voix pour l’Opposition politique officielle affaiblie ou à l’émergence d’un courant réformiste qui aurait pour ambition d’extirper l’AMP-PPRD de ses carences décriées, à savoir la dépendance des institutions actuelles de Kinshasa aux décisions stratégiques prises à Kigali et la mal-gouvernance économique?

Vital Kamhere a intérêt à clarifier les choses. En effet, si les Congolais de Montréal, généralement difficiles, exigeants, sont sortis de la salle convaincus d’avoir écouté un cadre compétent, il reste encore à l’orateur un terrain à conquérir : celui de la crédibilité de son message. Quelle est sa distance réelle avec les choses qu’il désapprouve et quelle est le niveau de son adhésion à celles qu’il préconise ?

Sa conférence de mercredi, à l’Université du Québec à Montréal permettra-t- elle d’en savoir quelque chose ?

Pour Hinterland,

Dr Lambert Opula.